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samedi 17 mai 2008

17 Mai 1962 - Le rideau tombe

Daniel Sorano rejoint Savinien Cyrano

C’est un choc. La nouvelle a mit un certain temps à parvenir d’Amsterdam à Paris. Pourtant l’annonce est formelle, Daniel Sorano est mort la veille.


Une semaine avant, l’acteur jonglait entre le tournage éprouvant du film Le Scorpion la semaine en Holland et l’Odéon de Paris les week-ends où il campe Shylock, le Marchand de Venise de Shakespeare au théâtre. La critique est unanime, Daniel Sorano prouve une fois encore son grand talent, sa générosité sur scène, sa puissance d’interprétation. Mais il cache à son entourage ses malaises au sortir de scène, il ne dit pas non plus un mot sur les maux de têtes qui le tenaillent à force de travail.

Il écrira à son ami Yves Bro quelques temps avant de mourir prématurément « Je ne crois plus me souvenir de ce qu’est vraiment le mot repos : pour moi c’est une définition dont j’ignore la pratique… ». Le médecin de Daniel lui demandera de s’arrêter un temps, de se mettre au repos, ce à quoi il répondra « …c’est impossible pour le moment ».

Sans relâche, l’acteur continu à jouer sans se ménager, sans penser qu’il va au bout de ce que son corps peut encore supporter.

Et puis viens le Jeudi, Daniel tourne la dernière scène du film de Serge Hanin. Dans cette scène, son personnage meurt d’un coup de revolver en plein torse. Le sang jaillit, il tombe a terre, la sueur perle à son front.

Un instant l’équipe ne sait pas, elle hésite, l’acteur à déjà eut plusieurs vertiges. Serge Hanin lance « Couper ! », Daniel se relève, le visage meurtri et éprouvé. Il regarde l’équipe, son éternel sourire les rassure. Il rentre dans sa chambre d’hôtel, il ferme la porte, il ne l’ouvrira jamais plus.

Le lendemain l’équipe s’inquiète de son silence. La porte est forcée, Daniel gît à coté de son lit, la chemise maculée de sang. Un instant les autorités pensent au pire, impossible Daniel n’avait pas de vrai ennemi. On se rend compte que c’est le faux sang du film, Daniel n’avait même pas eu le temps de se déshabiller.

Le monde du théâtre le pleure, le T.N.P. impose une minute de silence à son public, et Jean Vilar écrit : « Quand, loin, très loin de notre pays, certains d’entre nous, dont j’étais, entendions Daniel attaquer telle œuvre de Molière et dire, éclatant : « Quoique puisse dire Aristote et toute sa philosophie, il n’est rien d’égal au tabac ; c’est la passion des honnêtes gens… », alors subitement disparaissaient les nostalgies, les lassitudes et s’estompait ce simulacre de l’exil qu’est la longue, l’interminable tournée théâtrale. […] Le T.N.P. est une fois de plus frappé à plein cœur. »

Tous ses amis d’enfance, acteurs et estimés collègues rejoignent les propos de Jean Vilar : après la perte de Gérard Philippe c’est un nouveau coup dure porté au talent. Claude Barma parle, déjà, d’une terrible absence et d’un choc.

Daniel sera inhumé à Pernes-les-fontaines, petit village du Vaucluse non loin d’Avignon. Il voulait y planter le décor de sa vie, ce sera celle de ses enfants. Comme par le passé pour son ami Gérard Philippe, Daniel Sorano avait demandé à être enterré vêtu du costume de Cyrano, le personnage qui lui avait offert les faveurs du public. Dans ce costume empanaché, Daniel semble rire encore malgré le temps. Il rit de toutes ses dents, il laisse au souvenir l’image d’un homme qui portait la joie de vivre comme l’amour du théâtre. Pour l’éternité Daniel est resté Cyrano, Scapin, Mascarille, Sganarelle, Shylock, Othello et bien d’autres encore…

jonathan izzo

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